- ISRAËL (RESTE D’)
- ISRAËL (RESTE D’)ISRAËL RESTE D’Le mot hébraïque que l’on traduit par «reste» (shear ou sheêrit ) a pris très tôt dans l’histoire biblique un sens théologique précis qui n’a cessé de s’accentuer. On le trouve dans l’expression fréquente «reste d’Israël» (Isaïe, Jérémie, Michée, Sophonie), mais aussi dans «reste de Jacob» (Michée), «reste de Joseph» (Amos) et «reste de Juda» (Jérémie). Il désigne le groupe minoritaire qui, ayant échappé au jugement destructeur, représentera réellement la communauté élue d’Israël lors de l’acte décisif de rétribution.Le thème du reste se rencontre déjà à la fin du récit du Déluge (Genèse, VII, 23: «Il ne resta que Noé et ce qui était avec lui dans l’arche»). Les critiques d’Amos (III, 12 et V, 15) à l’égard d’une foi trop optimiste en un reste laissent entendre qu’il cheminait déjà, avec un sens technique, avant l’ère prophétique. C’est avec celle-ci qu’il reçut sa teneur définitive. Dans Jérémie (L, 20: «Car je pardonnerai au reste que je laisse») et Sophonie (III, 12-13: «Et c’est dans le nom de Yahvé que cherchera refuge le reste d’Israël»), il est dit nettement que Dieu se réservera un reste. Dans Michée (II, 12), c’est le peuple en exil qui s’appelle «reste», tandis que dans Zacharie (VIII, 6) c’est le groupe des rapatriés. Étant donné la visée du discours prophétique, l’objet ainsi désigné avait d’autres dimensions que celles qui concernaient les rescapés de l’ancien Israël. Ainsi Sophonie décrit-il le reste comme «un peuple humble et modeste» (III, 12): «reste» et «pauvres (anawim ) de Yahvé» représentant de concert les véritables «héritiers du royaume de Dieu» (qui font l’objet du discours des Béatitudes dans Matthieu, V).Les textes apocalyptiques du bas judaïsme font une place au reste d’Israël. Selon le Quatrième Livre d’Esdras et le Baruch syriaque , le Messie aura pitié du reste, qui jouira du bonheur jusqu’au Jugement dernier.La communauté de Qumr n, connue par les célèbres manuscrits de la mer Morte, se présentait comme le reste, le vrai peuple de Dieu, l’Israël véritable de la fin, et cela à la différence des autres représentants du judaïsme. Sa législation aux préceptes rigoureux avait pour but de lui conserver ces qualités fondamentales.Dans le Nouveau Testament, Paul est le seul qui fasse intervenir explicitement le thème du «reste», dans son application d’Isaïe, X, 22, et II Rois, XIX, 18, au problème de l’incrédulité des Juifs (Romains, IX, 27). Mais ce reste, qui a obtenu l’effet de la promesse divine, est néanmoins le gage de la restauration finale de tout Israël. Dans le prologue à son évangile (chapitres I et II, dits Évangile de l’enfance), Luc décrit la parenté du Baptiste et de Jésus sous les traits du reste d’Israël. Ce qu’on pourrait appeler la «spiritualité du reste d’Israël» ne fut pas sans influer sur l’organisation du discours spécifique et des pratiques propres de l’Église primitive. Cela confirme que cette représentation, traditionnelle, qualifiait un groupe minoritaire en tant que disposé à l’ouverture universelle et non en tant que replié sur soi à la manière d’une secte.
Encyclopédie Universelle. 2012.